Ce que l'élection de Barak OBAMA à la présidence des Etats-Unis peut changer dans le Regard des Martiniquais
1ere partie
I) OBAMA : Une Amérique audacieuse
Candidat à l'élection présidentielle américaine de 2008, Barack OBAMA suscite à la Martinique comme dans le monde un immense intérêt. Nul doute que son élection en tant que Président des États-Unis d'Amérique pourrait modifier l'image et les rapports qu'entretiennent les Martiniquais vis-à-vis de la première puissance mondiale. Ce métis qui n'a pas le passé son enfance au sein d'une communauté noire, à prouvé, notamment lors de son discours à Philadelphia le 18 mars 2008 (1), qu'il était à même d'établir un diagnostic implacable sur l’unité nationale face aux diversités ethniques qui composent son pays et de dessiner les perspectives d'une société moderne. Son refus de simplifier à l'extrême le débat racial et les conflits internationaux font de lui un candidat crédible aux yeux de nombreux compatriotes.
1- Le courage et l’éthique politique au service du peuple
Né en 1961, Barak OBAMA est issu, comme de nombreux jeunes Martiniquais, d’une famille modeste. Il ne doit donc sa réussite scolaire qu'au prix de l’effort et du travail. Son courage est récompensé. En Février 1990, il devient le premier Président noir de la prestigieuse revue de Droit la « Harvard Law Review » (2) en cent ans d’existence et son professeur de Droit Constitutionnel fait de lui son assistant de recherche avant qu’il ne devienne maître de conférence de 1993 à 2004.
A l’âge de 10 ans, Barack OBAMA est confié à ses grands-parents maternels qui vivent à Hawaï. Cela ne l’empêche pas de poursuivre de brillantes études. Dans une société moderne où la famille est atomisée, nous réalisons le rôle que peuvent encore jouer les grands parents dans l’éducation et la transmission des valeurs. Les martiniquais marqués par l’esprit solidaire sont concernés, puisque 50 % (3) de nos enfants sont élevés sans la présence du père au foyer.
Héritier d’une solide éducation, l’élu OBAMA va cependant affermir son sens de l’éthique et de l’engagement social en puisant dans l’Evangile les principes de son engagement politique. Diplômé en sciences politiques, en droit et en relations internationales, se dessine devant lui l'une des plus grandes carrières. De prestigieuses entreprises lui ouvrent les portes. Mais animé par la volonté d’aider les plus démunis, il démissionne d’un poste rémunérateur pour travailler au sein d’une communauté des œuvres sociales. Un désintéressement frisant le sacerdoce. Mais les enquêtes de terrain lui fourniront d’amples informations sur les besoins des familles notamment en matière de santé publique et d’éducation.
De quoi faire mentir ceux qui pensent que les politiques sont tous âpres au gain. Cette démarche devrait inspirer nos salariés et fonctionnaires dont certains gagneraient à mettre bénévolement leur savoir faire au service des autres. L’exemple de Barack OBAMA nous donne d’ailleurs raison d’avoir décidé, depuis 10 ans, à l’Aseff - Régie de Quartier, de «Tisser le lien social» entre les habitants et de faire de l’école l’une des clefs de la réussite sociale (4).
Mais Barack OBAMA que l’on présente comme un homme intelligent, loyal et consensuel, aurait sans doute des difficultés à s’accommoder du fonctionnement de nos assemblées locales aux tensions parfois exacerbées. La conduite des affaires publiques demande, en effet, un minimum de sagesse et d’abnégation. Condition nécessaire pour accompagner son peuple vers d’autres libérations émancipatrices. Si l’exemple de Barack OBAMA est un modèle à suivre pour nos jeunes Martiniquais et habitants des quartiers populaires, cela ne veut pas dire avoir en lui une confiance aveugle. Car nous avons encore en mémoire les noms d’hommes politiques éminents qui, dans les actes, ont détruit nos espoirs. Comme dit MONA, « En thyè félé pa fasil pou djéri ».
2- Noir ou Métis mais d’abord Américain
Bien que flattés dans leur fort intérieur, certains patriotes irascibles peuvent ne voir - à tort ou à raison - dans l'élection d’un « noir » à la tête des Etats Unis que l’adaptation du système politique à l'évolution d’une société mondialement cadenassée par des puissances capitalistes. Fixés sur les horreurs passées des américains dans certains pays du tiers monde, des gens ne se font pas trop d'illusions sur le choix d’OBAMA en tant que candidat démocrate à l’élection Présidentielle américaine. Ni d’ailleurs sur sa capacité à changer un « Etat » d’esprits impérialiste. Il serait donc judicieux que Barack OBAMA nous dise ce qu’il pense des "bienfaits" de colonisation et de ses conséquences sur le développement des pays émergeants.
Nul doute que son métissage et son éducation loin du continent Américain (scolarisation en Indonésie de 4 à 10 ans) lui ont bâti une vision différente, loin des discours stéréotypés. On dit que la sociologie des Etats Unis a évolué et qu’une nouvelle génération est prête à reconstruire le « Rêve » américain, à remodeler le pays à sa source, en revenant à l’Idéal qui a fondé cette nation en 1787, à savoir : le principe « d’Egalité du Citoyen devant la loi ». Le choix d’un homme de couleur comme candidat démocrate à la Présidence Américaine serait l’illustration de ce métissage culturel. Ce n’est alors pas pour déplaire aux martiniquais qui, par leur origine, partagent avec les noirs américains une histoire commune.
Beaucoup assimilent ce choix à une petite révolution. Certes ! Noir ou métis, c’est la première fois qu’aux USA, un homme issu d’une minorité ethnique mobilise autant d’électeurs au-delà de ses rangs et présente des chances sérieuses d’emporter la victoire Présidentielle. Pour autant, Barak OBAMA reste un citoyen américain avec la volonté de servir son pays et de poursuivre le « Rêve » de ses prédécesseurs. Quoi qu’il en soit, le drapeau étoilé berce dans son cœur comme pour chaque américain. Toutefois, il nous importe de saisir toute la subtilité de ce choix qui confirme l’évolution de la société américaine. Comme le dit OBAMA lui-même, « qu'un individu soit désormais choisi, non en raison de la couleur de la peau mais à ses capacités à incarner l'avenir et l'intérêt d'une nation ».
Car le génie d’OBAMA est surtout de s’intéresser aux choses concrètes qui touchent les électeurs dans leur quotidien. Son discours sur la santé, la protection sociale, le pouvoir d’achat touchent tout le monde, au-delà des questions de race et de religion.
3- Egalité des chances et reconnaissance des particularités
La reconnaissance des mérites individuels, au-delà de la différence. Voilà un principe que la France de Nicolas SARKOZY n’est pas encore arrivée à faire passer dans ses mœurs, malgré des efforts en vue de faire émerger les minorités visibles. Voter pour un noir ou un mulâtre n’a pas encore trouvé son sens hexagonal, même si le Président Français a ouvertement manifesté son souhait, à l’exemple des Etats-Unis, d’appliquer en leur faveur la notion de « discrimination positive ». C’est que le principe Français « d’Egalité Républicaine » ne s’accommode pas de la notion de particularité, au nom, d’ailleurs, du « sacré » principe d’égalité de tous devant la loi. Pour le candidat OBAMA, le choix des élus doit d’abord être guidé par la reconnaissance des qualités de l’individu. Il revient, de ce point de vue, aux vraies valeurs qui ont fait naître le rêve américain. Rechercher dans le peuple les éléments qui, hors des particularités, vont recomposer l’indispensable unité d’une nation moderne multi ethniques, multi culturelles et multi religieuses.
S’agissant des Martiniquais, quelque soit le domaine d’activité, notre désir de reconnaissance est complexe car étant à la fois territorial, individuel et ethnique. Une souffrance qui s'exprime fortement et rend difficile l’adaptation du discours à d’autres valeurs plus universelles. Une situation qui nous empêche souvent d’émerger à l’échelle du territoire Français. En tant que ressortissants des DOM, la question de la continuité territoriale est pour nous une peine fondamentale. L’éloignement géographique avec la France, centre juridique de référence, «la mère patrie», nous hante et nous handicape. D’où l’idée qu’il est plus facile pour nous de réussir à l’étranger.
Aurons nous « l’Audace d’espérer » et de suppléer cette carence en imaginant d’autres ponts avec notre environnement immédiat et les autres Départements d’Outre Mer. Saurons nous, en tant que pays, profiter du phénomène « OBAMA » pour asseoir un autre type de relation avec les Etats-Unis et mériter notre nom de (DFA) Département Français d’Amérique. Nos collectivités locales pourront donner toutes les aides publiques souhaitées aux compagnies américaines, qu’elles n’auront pas plus de touristes en visite à la Martinique. Car l’attractivité, tout comme le nationalisme, ne se décrète pas. Elle s’invente et elle se noue, à la mesure du rêve et des relations que tissent les peuples dans leurs désirs réciproques de se vivre ensemble.
Jean Luc DANGLADES,
Juriste de formation,
Président fondateur de l’Aseff,
Régie de Quartier de Fort de France
Fort de France, le 27/08/08
1 - Discours du 18 mars 2008 dans « De la race en Amérique » Par Barack OBAMA. Editions Bernard GRASSET 2008
2 - In « L’Amérique de Barack OBAMA par François DURPAIRE et Olivier RICHOMME page 39 et 40. Edition Démopolis 2007
3 - Eléments et statistiques des bailleurs sociaux et des psychologues
4 - Documentation Aseff in Dossier pédagogiques 1997/2005